2014 – « Métamorphoses » 1 à 4, tirages sur papier argentique rc kodack-80×120 cm

MÉTA
MORPHO
SES

Entremêlées, des lignes verticales, aux teintes bleue, azure, persane, bisque ou céladon, pointent
comme un rideau de voiles.

Mots, morceaux d’images, bribes de temps, mouvements, traces, taches.

Le dispositif repose sur une véritable mise en scène qui comporte différentes étapes. Dans un premier
temps, celle de la fabrication de l’objet, d’une substance concrète. Sur un assemblage de films
transparents sont imprimés des textes, des extraits de films, ou encore d’autres photographies, des
sculptures, des peintures, des modelages que l’artiste façonne.
Au moment de la prise de vue, ne plane pas l’ombre de l’instant décisif puisque le jeu ici est d’abord
celui du dispositif, tout est en place, composé, structuré en amont.

Le premier geste pictural, sculptural, relève du travail de la main, de la réécriture, de l’imaginaire, de la
construction de l’esprit. Le second geste est mécanique, instantané. C’est la confrontation entre
l’objectivité de la photographie et la subjectivité du premier geste qui fait éclater la représentation et
qui interroge la construction même du regard.

L’écoulement du temps se lit à travers les différentes strates de la matière. Cette surface presque
saturée évoque les couches des palimpsestes, ces manuscrits d’une époque ancienne qui ont été
effacés puis recouverts à nouveau de textes. Il existe une imagerie sous-jacente qui vient informer
l’image photographique. Le témoignage de l’instant perd de l’épaisseur dans un écho anachronique.
Il ne s’agit plus de réel mais d’une image symbolique.
L’artiste nous montre à travers cette pratique – qui est devenu l’objet de sa recherche – non pas sa
possibilité de faire de beaux objets, mais plutôt l’idée qu’il se fait de l’art, de la conception et de la
construction de l’artifice mené jusqu’à son point d’acmé.

Il s’en faut de peu pour tout faire basculer.

Brouillard, brouillage de piste. Empreintes du monde. Les perspectives optiques et mentales se
floutent, se mêlent par le biais de cette manipulation photographique toute particulière et surtout du
charme artistique qui métamorphose l’image.

Texte : Delphine Alleaume